Retour aux nouvelles

24 Avril 2018

Bore-out et brown-out: s’éteindre au travail

Bore-out et brown-out: s’éteindre au travail

QUAND L'ENNUI AU BOULOT MÈNE À LA DÉPRESSION

Bore-out ou brown-out, la ligne est parfois difficile à tracer entre ces syndromes professionnels. Mais la souffrance qui les accompagne et qui ressemble beaucoup à celle de son cousin plus connu, le burn-out, ne doit pas être ignorée parce qu’elle peut mener à la dépression.

C’est un peu par hasard que Christian Bourion a découvert l’ampleur de l’ennui au travail et qu’il a grandement participé à sa médiatisation, notamment grâce à son livre Le Bore-out syndrom. En faisant des recherches sur l’épuisement professionnel, le burn-out, le professeur français s’est rendu compte que près du tiers des employés avaient plutôt le problème inverse. Ils n’avaient pas assez de travail. À devoir tuer le temps, ils se rendaient malades.

La France est particulièrement affectée en raison de son contexte économique et social, estime le professeur de l’ICN Business School Nancy-Metz. Au sein de l’État, qui est omniprésent, le bore-out est une véritable «pandémie», entre autres parce qu’il est souvent plus facile de «mettre au placard» un employé en lui donnant rien à faire que de le mettre à la porte. L’arrivée de nouvelles technologies a aussi transformé plusieurs postes et créé des temps morts dans certaines organisations.

Le travailleur qui manque de boulot passe par plusieurs phases, explique M. Bourion. Au début, il attend. Il se dit que ça va passer. Il peut ralentir l’exécution de son travail pour limiter les temps d’inactivité. Après un certain temps, il va tenter de voler le travail des autres pour remplir sa journée. Si la situation perdure, il va sombrer. Pour en tomber malade, «il faut être malheureux de ne pas bosser», illustre-t-il.

Mais le pire, selon M. Bourion, ce sont ceux qui s’adaptent à ce climat, qui s’y sentent bien. Parce qu’ils désapprennent à travailler et deviennent ensuite inemployables.

Le terme brown-out, l’épuisement par la perte de sens, fait aussi parler ces temps-ci, surtout depuis la parution du livre Le brown-out du médecin français François Baumann.

«Le brown-out exprime la douleur et le malaise ressentis à la suite de la perte de sens de ses objectifs de travail et à l’incompréhension complète de son rôle dans la structure de l’entreprise. Il se traduit littéralement par une “baisse de courant” et par une estime de soi de plus en plus diminuée», peut-on lire. Si vous vous levez le matin en sentant que votre travail est parfaitement inutile, futile, vous pourriez en souffrir.

«Peu importe la génération, les gens cherchent à avoir un travail qui a du sens, à pouvoir se développer, à appliquer leurs compétences. […] Quand on est dans un contexte où on n’a pas de nouveaux défis, on ne peut pas se dépasser, on n’apprend plus, ça crée de la détresse psychologique de la même façon que le burn-out», fait valoir Manon Poirier, la directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec.

Elle croit d’ailleurs que ces étiquettes sont surtout de nouveaux mots sur des concepts qui existent depuis longtemps.

Le contexte dans la plupart des organisations prête plus flan à la surcharge de travail qu’à l’ennui, remarque Mme Poirier. En général, on va supprimer un poste s’il n’y a pas assez de travail. Mais il peut arriver, soit dans la fonction publique, mais aussi dans certaines entreprises, qu’on garde des employés moins efficaces ou qui n’ont pas su s’adapter.

«Parfois, les conditions de travail sont si bonnes que les gens n’osent pas quitter pour d’autres défis même s’ils s’ennuient un peu et qu’ils pourraient faire davantage. C’est un peu les menottes dorées.»

Symptômes

Burn-out, bore-out, brown-out, si les termes se multiplient, ces syndromes ne sont pas reconnus officiellement dans le DSM-5, le manuel diagnostique des troubles mentaux, explique la présidente de l’Ordre des psychologues, Christine Grou. Les travailleurs viennent avant tout consulter parce qu’ils ont des symptômes dépressifs. Épuisement physique et émotionnel, désengagement affectif et une perte de sentiment d’efficacité.

«La conséquence la pire, c’est la honte. Quelqu’un qui va avoir l’impression de voler son salaire ou d’être payé pour rien. […] Dans notre société, crouler sous travail et être performant, c’est quelque chose de très gratifiant», indique Mme Grou.

Une étude anglaise a d’ailleurs démontré que les gens qui s’ennuient au travail étaient susceptibles de mourir plus jeunes. Ils avaient aussi 2,5 fois plus de risques de trépasser d’une maladie cardiovasculaire. Cela pourrait s’expliquer entre autres parce qu’ils compensent leur ennui par de mauvaises habitudes, comme la drogue, l’alcool ou la malbouffe.

Un travailleur ne doit pas hésiter à consulter si ça ne va pas. Il peut aussi lever la main pour indiquer à son employeur qu’il est prêt pour un autre défi. Le gestionnaire doit quant à lui être à l’écoute s’il y a un changement de comportement. L’entreprise a tout à gagner à «trouver des façons de les motiver, de les raccrocher», conclut Mme Poirier. Malheureusement, pour certains, la meilleure solution sera de trouver un autre emploi, ailleurs...

Pour consulter l'article de LeSoleil, cliquez ici