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1 Avril 2015

La formation continue, un bon investissement pour les entreprises

« Personne ne sera laissé de côté par Michelin », avait assuré en décembre 2013 Jean-Denis Houard, le directeur de l’usine de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), après l’annonce de la suppression de plus de 700 emplois de la filière pneus poids lourds de l’entreprise. Michelin s’était alors engagé à reclasser tous ses salariés, en leur proposant soit un aménagement de fin de carrière, un emploi dans une autre usine du groupe ou une formation continue. Ce qui fut fait.

A 34 ans, Arnaud Vignol, qui fait partie des 165 salariés ayant préféré quitter l’entreprise, est en reconversion pour la seconde fois. Ex-boulanger-pâtissier devenu allergique à la farine, il avait intégré l’usine un peu à contrecœur, attiré par la stabilité d’un CDI et la régularité du salaire. « Je voulais faire autre chose depuis longtemps, mon licenciement a été un déclic pour changer de voie », dit-il. Il a intégré les ateliers de transition professionnelle (ATP) créés par Michelin dans les 3 500 m² de locaux loués. Chacun y bénéficie d’un plan de formation à budget et durée illimités et touche 86 % de son salaire net la première année, 75 % l’année suivante, sur ce mode décroissant, jusqu’à ce qu’il retrouve du travail. Un investissement important pour l’entreprise, qui consacre plus de 7 % de sa masse salariale à la formation de ses salariés, au lieu des 1,6 % minimum imposés par la loi.

Le directeur de ces ateliers, Guy Manssens, énumère avec fierté les métiers qu’occupent aujourd’hui ceux qui, hier, n’osaient même pas s’imaginer sortir de l’usine : « Ils sont devenus plombiers, chaudronniers, informaticiens, paysagistes, animateurs, souffleurs de verre ou même éleveur de lamas. Certains disent qu’ils en avaient toujours rêvé. » Arnaud Vignol, lui, a découvert la forge et suit une formation de huit mois en chaudronnerie. Il a en outre appris à rédiger un CV et une lettre de motivation. Les séances de sports collectifs lui ont permis « d’évacuer la colère d’avoir appris la fermeture de [son] usine dans les médias ».

Argument pour recruter

La plupart des entreprises, Michelin compris, sont aujourd’hui conscientes de l’enjeu que représente la formation de leurs salariés, afin de leur permettre de conserver un emploi au long de leur carrière. Le géant français de l’aéronautique Safran, qui consacrait déjà 4,4 % de sa masse salariale à la formation continue, a créé fin 2014 à Massy, en région parisienne, un campus qui lui est entièrement consacré. Doté d’un amphithéâtre, de nombreuses salles de conférence et d’un hôtel 4 étoiles, le « Safran Campus » a pour objectif de dispenser plus de 200 000 heures de formation par an à 8 500 personnes. Cet investissement massif dans la formation continue est devenu pour Safran un argument pour recruter de jeunes ingénieurs soucieux d’évoluer en permanence. Et un moyen d’assurer la transmission des connaissances entre les générations de salariés. « Un moteur d’avion dure plus de quarante ans, il est important pour nous d’avoir des formateurs internes qui connaissent bien ce métier et peuvent passer le relais », explique Gilbert Font, directeur de « Safran University ».

Les plans de formation servent surtout à maintenir les salariés à la pointe des évolutions. Cap Gemini, entreprise de conseil dans le numérique, utilise le haut niveau de formation de ses collaborateurs comme argument de vente. « Pour nos clients, les diplômes de nos salariés sont un gage de la qualité de nos services, dit Nadia Conan, directrice du centre de formation de Capgemini. C’est pourquoi nous privilégions les filières de formation certifiantes pour nos collaborateurs. » Directrice des ressources humaines de Cellfish, une entreprise spécialisée dans les nouvelles technologies mobiles, Marion Badin va plus loin : « Si nos salariés ne sont pas formés en permanence, ils sont rapidement en difficulté. » La formation est une question de survie pour cette entreprise, dans un secteur qui évolue sans cesse.

Former ses collaborateurs, c’est aussi les maintenir plus investis et donc… plus performants. C’est l’un des arguments qui a convaincu Schneider-Electric, grand groupe industriel européen, de miser sur la formation, au point de signer en octobre 2014 un accord-cadre avec le secrétariat d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche afin de « favoriser le rapprochement entre les services de formation continue des établissements et ceux de l’entreprise, en promouvant la voie de la validation des acquis de l’expérience ». Celle-ci permet au salarié d’ajouter des diplômes à son CV, et donc de mieux rebondir en cas de licenciement.

Un tremplin vers l’entrepreneuriat

Témoignage. Géraldine Serres, de salariée à gérante d’une boutique d’optique.

« Après un licenciement, j’ai pu suivre une formation diplômante sur la création d’entreprises à l’IUT de Reims. J’ai travaillé dix ans dans deux grandes enseignes d’optique à Paris, après avoir obtenu un BTS d’opticien-lunetier en 2003. Je suis revenue m’installer dans ma ville d’origine, Reims, en 2013, où j’ai trouvé un nouveau poste chez un opticien. Mais mon employeur m’a remerciée au terme de la période d’essai. Un échec. Mais qui m’a motivée pour me consacrer au projet entrepreneurial que j’avais à cœur depuis longtemps.»

Pôle emploi me donnait droit à deux ans d’allocations-chômage et à la possibilité de me former. C’est la chambre de commerce et d’industrie qui m’a orientée vers la formation que j’ai suivie, de mars à juin 2014. Le contact avec les autres étudiants, tous en reconversion, a été motivant. J’ai acquis des compétences pour lancer mon entreprise et j’ai été orientée vers les aides destinées aux créateurs. Le cursus étant réputé dans la région, il a aussi facilité l’obtention d’un prêt bancaire. Au final, cette formation a été un véritable tremplin. »

 

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